Moments à Part (chapitre 5) : Olan, couloir occidental

Olan - couloir occidentalCe texte est un extrait du chapitre 5 « Olan, couloir occidental » de Moments à Part – Carnets d’un skieur de pente raide, de Thierry Clavel.

« Conservons [ces heures exaltantes] dans notre mémoire, pour qu’elles jalonnent l’étendue grise des années de quelques lueurs éclatantes qui en justifieront, peut-être, le sens… »
Henri Isselin

[…]

Pour l’heure, nous jetons un dernier coup d’œil sur les quatre descendeurs ayant tôt fait de rejoindre le ressaut.
Nous sommes maintenant seuls.

De hautes et impressionnantes parois dominent le couloir sur notre gauche, et peu après un virage à droite, nous découvrons la suite de celui-ci, plus étroite et plus raide au fur et à mesure que nous gagnons de l’altitude.

Sept heures après notre départ matinal, nous atteignons la dernière pente suspendue. Je repère les traces du miraculé et comprend alors que les rochers sautés l’ont bel et bien sauvé : sans cette rupture de pente, sa glissade n’aurait fait que s’accélérer pour une fin évidente.
Olivier est déjà au sommet depuis un moment. Lorsque je le rejoins, je suis encore à ces pensées qui tournent dans mon esprit. Quant à mon compagnon de course, il arbore un visage radieux !
Objectivement, malgré les nombreuses traces, le couloir reste en excellentes conditions : nous avons vu juste.
Le principe premier de la pente raide et du ski de randonnée en général pourrait s’édicter ainsi : être au bon endroit au bon moment.
Vivre la réussite du bon choix est alors une superbe récompense.
Et aujourd’hui, cela devrait être le cas !

Alors que je souffle un peu tout en me réhydratant, Olivier s’équipe. Pas de temps à perdre : le soleil, qui ne devrait pas tarder à apparaître, peut toujours favoriser le déclenchement de petites coulées ou de chutes de pierres dans les hautes et raides parois qui dominent le couloir, ce qui pourrait évidemment suffire à nous déséquilibrer et provoquer une chute…
De même, je ne tarde donc pas.
Olivier fait un premier virage dans cette pente supérieure d’une inclinaison extrême.
La neige est ici encore un peu plus dense que sur tout le reste du couloir du fait d’une raideur accrue. Il m’en avertit. Je chausse peu après, au ras des rochers marquant la fin du couloir.
Dérapant quelques mètres, afin de sentir la neige, je me prépare à tourner. Je pense techniquement le virage possible, mais je suis là, au sommet d’un toboggan de six cents mètres décrivant un S entre des rochers, sur une pente à cinquante-quatre degrés. Mon compagnon a trouvé cette première neige délicate. Un surfeur a manqué d’y faire son dernier virage, passant ensuite en revue sur le reste de la descente tout ce qu’il avait failli perdre.
Alors voilà, je ne veux pas faire ce virage de trop ! Je poursuis en dérapage. Ce n’est pas du ski, c’est juste le moyen le plus sûr de descendre avec la maîtrise que je crois juste, à ce moment précis, ce jour-là.
J’attendrai d’avoir passé le rétrécissement, les rochers sautés par Xavier, et une neige plus meuble, offrant une bien plus grande sécurité, pour lancer ce fameux premier virage, qu’Olivier immortalisera d’une photo.

Le premier virage, c’est toujours le plus dur. Quitter la sécurité des appuis, passer par une phase en suspension, les skis en l’air, face à l’axe de plus grande pente, puis se réceptionner et maîtriser cette reprise d’appuis. Comment sera la neige, n’y aura-t-il pas un piège caché : une pierre, une neige de qualité différente ?
Se préparer au virage. Choisir l’emplacement de l’appui des bâtons, lancer franchement le virage, sans retenue, avec un équilibre orienté vers la pente. Toute position de recul, toute hésitation pouvant induire une faute lourde de conséquences.
Aujourd’hui, je regrette encore de ne pas avoir effectué de virage dans la première pente suspendue de ce fabuleux couloir, mais je suis là pour l’exprimer, et cela vaut sans aucun doute tous les regrets du monde !

[…]

Retrouvez l’intégralité de ce chapitre ainsi que les autres récits de ski de pente raide de Thierry Clavel dans :

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